L'engagement rend bon
En mai 2013 mon ami Gilles Dugal m’a demandé d’écrire un court texte sur mon engagement
Quand j’étais jeune, mon père disait souvent : « les grosses compagnies y ont pas d’âme ». Pour ma mère, c’était autre chose : « y faut travailler pour se faire vivre ». J’ai 58 ans. Qu’est-ce qui a motivé mon engagement social depuis mes 18 ans? Y a-t-il des options, des choix de vie, une destinée, un appel? Non. Au début, c’est plutôt une recherche de soi, de groupe d’appartenance, un désir de trouver un chemin de vie différent de ma famille. Puis, au fil des évènements, des intuitions se sont transformées en convictions.
Mes parents n’étaient ni militants ni impliqués dans la paroisse ou le quartier. Mon père était un travailleur non spécialisé à l’usine Alcan d’Arvida. Ma mère était la fille d’un petit commerçant de Kénogami. Elle était sans le dire formellement la « chef » de l’entreprise familiale. Mon premier emploi comme étudiant a été au magasin familial; mon second à l’Alcan.
Je suis entré dans la vie comme jeune adulte avec ces deux héritages. Je me suis intéressé à l’entreprise familiale. En commençant au bas de l’échelle. Cela m’a amené à m’inscrire en administration au CEGEP, puis à l’université. Mais, au CEGEP, c’est l’ouverture à autre chose. C’est la grève des Prêts Bourses (1974) occupation 24h sur 24 pendant plusieurs semaines. Je me suis impliqué dans le soutien technique (comité bouffe). Et à cette même période, je me suis impliqué à la pastorale.
Ces trois dimensions, gestion, mouvement social, recherche de sens, seront constamment présentes dans ma vie adulte. La période la plus effervescente a été mon passage au mouvement des étudiants chrétiens du Québec (MECQ). Je menais de front plusieurs engagements : au journal étudiant, à un projet de COOP étudiante, à la radio communautaire, à l’action catholique régionale et avec des organisations politiques de gauche. Ce qui pouvait paraître contradictoire pour certains était, pour moi et mes compagnons et compagnes de l’époque, une grande expérience « humaine » de solidarité et de libération. À tout le moins, c’est comme ça que l’on en parlait.
Avec les années, ce sont plus que des valeurs qui se sont construites mais des intimes convictions qui ont perduré envers et contre tout. Je sais aujourd’hui reconnaître la source primaire de ce que je suis : mes parents. Mon père, l’homme bon, sans malice, qui a eu peur de s’affirmer toute sa vie. Il a su dépasser la condition d’extrême pauvreté qu’il a vécue dans son enfance. Ma mère, féministe avant l’heure, qui a géré sa famille comme son entreprise avec des principes de droiture plus « drette » qu’une épinette.
Des situations se sont présentées à moi et m’ont changé. Je ne suis pas que le fruit de mon enfance et de mes choix individuels, mais aussi le fruit des évènements sociaux qui m’ont transformé. Cette vision, je la porte toujours. Je l’ai traduite par une ouverture aux changements et une résilience pour traverser les épreuves de la vie. Je l’ai reconnue chez les travailleurs que j’ai rencontré à la CSN, les citoyens du quartier St-Henri et les écologistes que je côtoie maintenant.
Avec le temps, je suis devenu de moins en moins religieux. Les grandes institutions humaines, dont l’Église, m’inspirent peu. Il y a tant de fumisterie dans leur développement s’éloignant ainsi de leurs fondements. Pour moi, il n’y pas d’expérience mystique; il y a de l’amour pour les personnes et les projets collectifs. Et si Dieu existe, il est présent dans les personnes et les groupes. Le plaisir d’agir pour, par et avec d’autres, est toujours vivant et cela, même dans des tâches simples et effacées. Ce besoin d’engagement, je désire le transmettre à mon entourage et surtout à ma famille et aux jeunes adultes qui m’entourent. "
On m’interroge souvent sur ce que j’ai fait pour que mon fils Gabriel soit le leader qu’il est devenu. Ceux et celles qui cherchent une recette seront déçus. Rien de plus que font bien des parents. Peut-être le fait de le mettre en contact (en privé ou en assemblée) avec des gens qui débattent d’idées et d’actions l’a- t- il influencé.
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